« RASSEMBLEMENT
DU SIECLE » A LA FERTE-VIDAME (19 au 21 juillet 2019)
Cérémonie
d’ouverture
Discours
d’Henri-Jacques Citroën
Si
j’étais un chanteur, je dirais : Bonjour, La Ferté Vidame ! Je suis
tenté de dire : Bonjour, Woodstock ! Le Woodstock de
Citroën ! Bonjour, les fans, les admirateurs, les collectionneurs de
Citroën ! Bonjour à vous tous qui maintenez la flamme allumée un jour par
André Citroën, qui ne s’éteint pas, qui ne s’éteindra pas ! La
Ferté-Vidame… La fierté Citroën !
Depuis
longtemps, dans le monde, des hommages ont été rendus à André Citroën. Le quai
André Citroën où se trouvait l’usine de Javel. La station de métro Javel-André
Citroën récemment redécorée à l’occasion du Centenaire. Ici et là, des
boulevards et des écoles portent son nom. Une chaire de recherche André Citroën
à l’Ecole Polytechnique.
Aux
Etats-Unis, suprême hommage des américains, un espace lui est dédié à tout
jamais à l’Automotive Hall of Fame, le Salon des Célébrités Automobiles : en
octobre 1998, il a été le 1er français admis dans ce temple et j’ai eu
le privilège de recevoir le trophée en son nom.
Mais
le plus bel hommage est celui que vous lui rendez tous, ici réunis, pour
célébrer les 100 ans d’une société qui a marqué notre époque. C’est le plus vaste
rassemblement de passionnés d’une marque, jamais vu dans le monde, c’est le
plus grand musée automobile à ciel ouvert de l’Histoire, certes éphémère
mais bien réel. En attendant qu’un vrai musée soit, un jour, créé …
C’est
aussi la plus grande joaillerie en plein air du monde ! En effet, vos
véhicules sont de vrais bijoux, grâce à vous qui les collectionnez avec amour
et savoir-faire. Les voir ici rassemblés montrent combien la marque a été
créative et combien vous avez été inventifs et méticuleux pour les maintenir
comme neufs !
Quelle
autre marque a créé autant de voitures mythiques ? Ici sont-elles :
la Type A, l’autochenille, la Rosalie, la Traction Avant, conçues par André
Citroën avec tous les inventeurs et ingénieurs qu’il a su repérer et mettre en
valeur. Et aussi, celles qui ont été créées après lui : la 2CV, la DS, la Méhari,
la SM, la CX, la C6 et toutes les autres…
Lors
du vote de la voiture du 20e siècle par les internautes du monde,
en l’an 2000, ce fut la seule marque à s’être distinguée par la présence de 3
modèles parmi les 20 voitures les plus votées : la Traction Avant, la 2CV et la
DS …
En
juin 1919, commence cette belle aventure automobile. Mais tout a démarré avant,
18 ans plus tôt, avec la fabrication des engrenages à chevrons, qui ont
inspiré la forme du logo de Citroën.
La
1ère Guerre Mondiale commence et Bernard Citroën, son cher frère,
meurt dans les tranchées. Un drame pour André, qui, combattant sur le front, se
sent exaspéré par le déséquilibre : les allemands envoient beaucoup plus d’obus
sur les lignes françaises que le contraire. Sans hésiter, il demande une
permission à son supérieur pour aller proposer au gouvernement la construction
immédiate d’une usine pour produire autant d’obus que l’ennemi. En 4 mois, sur
des terrains inoccupés de Javel, cette usine est construite. Une réactivité à
toute épreuve.
Quand
la guerre se termine, inspiré par les nouvelles méthodes industrielles qui se
développent aux Etats-Unis, André Citroën transforme son usine d’obus : il
va produire des automobiles à la chaine afin de réduire les coûts et pouvoir les
vendre à un prix accessible : il veut que la voiture devienne le moyen
de locomotion par excellence. Le 4 juin 1919, sort la fameuse Type A.
Nouveau
venu sur un marché où d’autres fabricants, comme Ford, Renault ou Peugeot,
existent depuis longtemps, il devient en 6 ans le 1er fabricant
français et en 10 ans le 1er fabricant européen !
100
ans plus tard, les voitures Citroën sont partout. Il m’est impossible d’oublier
mon nom quand je marche dans la rue. A la télévision, à la radio, mon nom
résonne lors des interruptions publicitaires ! J’ai l’impression qu’on
m’appelle tout le temps.
Peu
d’industries dans le monde ont 100 ans. Cette pérennité a été rendue possible
par les équipes formidables de travailleurs, ingénieurs, cadres et dirigeants
qui se sont succédées. L’impulsion donnée par André Citroën les a rendus
« citroënnistes » dans l’âme et dans le comportement. Comme s’ils
faisaient partie d’un clan qui partage une vision, une motivation, un
savoir-faire, une complicité …
Quelle
ferveur chez ceux qui,
un jour, sont entrés dans l’univers de Citroën ! Vous, les
collectionneurs, les passionnés, m’avez toujours impressionné par votre
attachement à la marque et votre admiration envers son fondateur. Un engouement
qui laisse parfois la place à de la vénération.
Que
dire des photos d’André Citroën, surnommé affectueusement « Le
Patron », que certains ont collées dans leurs voitures ou des pancartes
« Merci, André ! » que j’ai pu observer lors de vos
rassemblements ?!
André
Citroën est une icône,
comme le sont, dans d’autres domaines, Gandhi, Mandela ou Jim Morrison ! Comment
l’est-il devenu ? Un ami, psychanalyste américain, explique : alors
que la Guerre se termine, André Citroën démarre son activité avec enthousiasme,
optimisme et détermination. Il transmet une énergie et un espoir que les gens, attristés
et déprimés par les effets de la guerre, perçoivent. Son charisme aidant, il montrait
que tout était possible et cela a marqué les esprits.
Mes
publications sur Internet ont généré de nombreux messages sur mon grand-père.
Certains mots reviennent : une inspiration ; un esprit ;
patrimoine national ; un génie ; un maitre de la résilience.
Selon
le journaliste Philippe Doucet, André Citroën est guidé par les 3
vertus théologales définies par Saint-Paul : la foi, l’espérance, la
charité. La foi dans l’humanité. L’espérance d’un monde meilleur pour tous. La
charité, autrement dit l’amour de l’autre, la bienveillance envers l’autre, qui
fait qu’il imagine la voiture comme un instrument qui facilitera la vie de ses
concitoyens, qui les rapprochera.
Un
homme qui n’était nullement attiré par l’appât du gain. Il ne possédait
rien en dehors de ses usines. Son appartement de Paris, rue Octave Feuillet, était
loué, comme la maison à Deauville ! Seuls comptaient sa famille, le succès de
ses entreprises et d’être toujours à l’avant-garde.
En
1924, quand il lance la Croisière Noire, la traversée de l’Afrique avec ses
nouvelles autochenilles tout-terrain, il voulait ouvrir des voies de
communication là où, au mieux, des pistes existaient, afin de mieux connaitre
le continent, rapprocher les populations et favoriser le commerce entre elles.
En
1931, en lançant la Croisière Jaune, l’extraordinaire traversée, en
autochenilles, de l’Asie, du Liban jusqu’en Chine, mon grand-père voulait que
ce soit « le test ultime pour les hommes et pour les machines » :
il voulait que l’automobile démolisse toute barrière géographique, culturelle
et politique.
Ce
furent des opérations de relations publiques exceptionnelles puisque les
expéditionnaires rapportaient, tous les soirs, par radio, les événements de la
journée. Le public pouvait ainsi suivre l’évolution de l’expédition. Une
révolution dans la communication alors que nous étions dans les années 20 et
30 !
André
Citroën a tout inventé dans le domaine de la publicité et du marketing. Son
nom sur la Tour Eiffel pendant 10 ans, l’illumination des monuments, offerte à
la Ville de Paris. Les panneaux de signalisation sur les routes de notre pays. Les
jouets Citroën pour les enfants. Etc. Il avait un sens inné des relations
publiques. Promouvoir la marque à temps complet …
Un
jour, un dirigeant de PSA m’a montré le manuel du concessionnaire de 1932, en
me disant : « Regarde, ce manuel peut s’appliquer à la lettre
aujourd’hui ! ».
Toujours
à l’avant-garde même dans le domaine sociétal. André Citroën voulait que les
femmes conduisent, elles qui, à l’époque, n’avait pas les mêmes droits que les
hommes : « La femme moderne ne circule qu’en Citroën »
fut un slogan qui avait outré les conservateurs.
Toute
cette belle histoire se termine, hélas, en drame.
En
1932, André Citroën perd son meilleur ami, son bras droit, celui qui modérait
ses ardeurs et lui rappelait les réalités : Georges-Marie Haardt, meurt de
maladie à la fin de la Croisière Jaune qu’il dirigeait personnellement.
La
même année, André Citroën visite l’usine complètement rénovée de Louis Renault,
son grand rival. En sortant, il décide de moderniser son usine de Javel
pour disposer d’’installations encore plus performantes que celles de son
concurrent. Un investissement majeur en pleine crise économique mondiale, que
Georges-Marie Haardt l’aurait sûrement dissuadé de réaliser. Les problèmes
financiers surgissent. Pour les affronter, il faut vite commercialiser la
Traction Avant qui vient d’être conçue. Elle sort trop vite sans avoir pu être
testée convenablement.
Mon
grand-père, malade, perd le contrôle de sa société et meurt en juillet 1935.
Jacques
Séguéla, dans son dernier livre « Papa, Maman, Citroën », commente
cette fin tragique : « André Citroën, le funambule sans balancier,
aura quitté la scène comme il a vécu : trop vite ».
Ainsi
naissent les légendes …
L’année
suivante, 1936, la révolutionnaire Traction Avant, devient un grand succès.
L’entreprise renoue avec les bénéfices et repart de l’avant.
André
Citroën a apporté de la gaieté.
Il adorait les chansonniers qui le brocardaient si souvent. Un jour, il décida
de réunir les 12 chansonniers les plus connus et leur proposa, en vers, le
concours suivant.
Lelièvre, Mauricet,
Balthon, Rop et Dorin
Vous m’avez maltraité de
quatrain en quatrain
Grâce à moi, chaque jour,
vous cueillez des bravos
Au meilleur d’entre vous
j’offre une Cinq Chevaux
Puis
chaque chansonnier donna lecture de son quatrain. Celui qui gagna la voiture
fut Léo Lelièvre avec ce joli poème :
Lelièvre, mon aïeul, que
l’on blague à la longue
Par la tortue, un jour,
fut battu de très loin ;
Moi, grâce à Citroën, je
gratte tout le monde,
Rien ne sert de courir,
il faut un moteur à point.
Ce
concours montre le sens de l’humour et la générosité d’André Citroën. Au 20e
siècle, essayez de trouver un industriel plus sympathique que lui !
Louis
Renault avait dit : « Citroën nous fait du bien, il nous
empêche de nous endormir ». Cette phrase est toujours d’actualité.
J’ai
en tête le fameux slogan : « Vous n’imaginez pas tout ce que Citroën
peut faire pour vous ». Aujourd’hui, Citroën peut faire que nous vivions,
ensemble, un grand moment, une fête inoubliable, une grand-messe historique. Et
merci aux organisateurs, Alain Thuret, Xavier Crespin, Arnaud Belloni et leurs
équipes de l’avoir si bien organisée.
Mais
avant de laisser libre cours à notre communion, je voudrais partager
avec vous 2 messages éloquents, émouvants, récemment reçus.
Le
premier, celui de Franck Don, le délégué syndical central CFTC chez PSA :
« Quand j’ai été embauché en 1986 à Citroën Aulnay, on sentait encore
l’empreinte de la famille avec le souci toujours existant du bien-être de ses
salariés : je suis aujourd’hui PSA Groupe (…) et je n’oublierai jamais,
pour autant, la maison Citroën qui m’a inculqué la fierté de travailler pour
cette entreprise ».
2e
message, celui d’un ami latinoaméricain, un message définitif : « Citroën,
c’est la France ! »
Citroën,
c’est la France …
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